FRCO0267
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Ordonnance du 1er décembre 1986 (1) (86-1243)
  • Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée par les lois n° 87-499 du 6 juillet 1987, n° 92-1282 du 11 décembre 1992, n° 92-1336 du 16 décembre 1992, n° 92-1442 du 31 décembre 1992, n° 93-122 du 29 janvier 1993, n° 93-949 du 26 juillet 1993, n° 95-95 du 1er février 1995, n° 95-127 du 8 février 1995 et n° 96-588 du 1er juillet 1996
    Voir aussi Décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986


TITRE Ier - DE LA LIBERTÉ DES PRIX

Art. 1er. L'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 est abrogé. Le prix des biens, produits et services relevant antérieurement de ladite ordonnance sont librement déterminés par le jeu de la concurrence.
Toutefois, dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d'État peut réglementer les prix en consultation du Conseil de la concurrence.
Les dispositions des deux premiers alinéas ne font pas obstacle à ce que le Gouvernement arrête, par décret en Conseil d'État, contre des hausses excessives de prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé. Le décret est pris après consultation du Conseil national de la consommation. Il précise la durée de validité qui ne peut excéder six mois.

TITRE II - DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Art. 2. Il est créé un Conseil de la concurrence comprenant dix-sept membres nommés pour une durée de six ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'économie.
Il se compose de :
1. Huit membres ou anciens membres du Conseil d'État, de la Cour des comptes, de la cour de cassation ou des autres juridictions administratives ou judiciaires ;
2. Quatre personnalités choisies en raison de leur compétence en matière économique ou en matière de concurrence et de consommation ;
3. Cinq personnalités exerçant ou ayant exercé leurs activités dans les secteurs de la production, de la distribution, de l'artisanat, des services ou des professions libérales.
Le président et les trois vice-présidents sont nommés pour trois d'entre eux parmi les membres ou anciens membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, et pour l'un d'entre eux parmi les catégories de personnalités mentionnées aux 2 et 3 ci-dessus.
Les quatre personnalités prévues au 2 sont choisies sur une liste de huit noms présentée par les huit membres prévus au 1.
Le mandat des membres du Conseil de la concurrence est renouvelable.

Art. 3. Le président et les vice-présidents exercent leurs fonctions à plein temps. Ils sont soumis aux règles d'incompatibilité prévues pour les emplois publics.
Est déclaré démissionnaire d'office par le ministre tout membre du conseil qui n'a pas participé, sans motif valable, à trois séances consécutives ou qui ne remplit pas les obligations prévues aux deux alinéas ci-dessous.
Tout membre du conseil doit informer le président des intérêts qu'il détient ou vient à acquérir et des fonctions qu'il exerce dans une activité économique.
Aucun membre du conseil ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt ou s'il représente ou a représenté une des parties intéressées.
Le commissaire du Gouvernement auprès du conseil est désigné par le ministre chargé de l'économie.

Art. 4. Le conseil peut siéger soit en formation plénière, soit en sections, soit en commission permanente. La commission permanente est composée du président et des trois vice-présidents.
En cas de partage égal des voix, la voix du président de la formation est prépondérante.
Le rapporteur général et les rapporteurs permanents sont nommés sur proposition du président par arrêté du ministre chargé de l'économie. Les autres rapporteurs sont désignés par le président.
Les crédits attribués au Conseil de la concurrence pour son fonctionnement sont inscrits au budget du ministère chargé de l'économie.
Le président est ordonnateur des recettes et des dépenses du conseil.

Art. 5. Le Conseil de la concurrence peut être consulté par les commissions parlementaires sur les propositions de lois ainsi que sur toute question concernant la concurrence.
Il donne son avis sur toute question de concurrence à la demande du Gouvernement. Il peut également donner son avis sur les mêmes questions à la demande des collectivités territoriales, des organisations professionnelles et syndicales, des organisations de consommateurs agréées, des chambres d'agriculture, des chambres de métiers ou des chambres de commerce et d'industrie, en ce qui concerne les intérêts dont elles ont la charge.

Art. 6. Le conseil est obligatoirement consulté par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet :
1. De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ;
2. D'établir des droits exclusifs dans certaines zones ;
3. D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente.

TITRE III - DES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

Art. 7. Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :
1. Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;
2. Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
3. Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;
4. Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

Art. 8. Est prohibée, dans les mêmes conditions, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises :
1. D'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ;
2. De l'état de dépendance économique dans lequel se trouve, à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente.
Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.

Art. 9. Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles 7 et 8.

Art. 10. Ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 les pratiques :
1. Qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application ;
2. Dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Ces pratiques, qui peuvent consister à organiser, pour les produits agricoles ou d'origine agricole, sous une même marque ou une enseigne, les volumes et la qualité de production ainsi que la politique commerciale, y compris en convenant d'un prix de cession commun, ne doivent imposer des restrictions à la concurrence que dans la mesure où elles sont indispensables pour atteindre cet objectif de progrès.
Certaines catégories d'accords, notamment lorsqu'ils ont pour objet d'améliorer la gestion des entreprises moyennes ou petites, peuvent être reconnues comme satisfaisant à ces conditions par décret pris après avis conforme du Conseil de la concurrence.

Art. 10-1. (L. n° 96-588 du 1er juillet 1996) Sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits.
Les coûts de commercialisation comportent également et impérativement tous les frais résultant des obligations légales et réglementaires liées à la sécurité des produits.
Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de revente en l'état, à l'exception des enregistrements sonores reproduits sur support matériel.

Art. 11. Le Conseil de la concurrence peut être saisi par le ministre chargé de l'économie. Il peut se saisir d'office ou être saisi par les entreprises ou, pour toute affaire qui concerne les intérêts dont ils ont la charge, par les organismes visés au deuxième alinéa de l'article 5.
Il examine si les pratiques dont il est saisi entrent dans le champ des articles 7 et 8 ou 10-1 ou peuvent se trouver justifiées par application de l'article 10. Il prononce, le cas échéant, des sanctions et des injonctions.
Lorsque les faits lui paraissent de nature à justifier l'application de l'article 17, il adresse le dossier au procureur de la République. Cette transmission interrompt la prescription de l'action publique.

Art. 12. Le Conseil de la concurrence peut, après avoir entendu les parties en cause et le commissaire du gouvernement, prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées par le ministre chargé de l'économie, par les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article 5 ou par les entreprises.
Ces mesures ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante.
Elles peuvent comporter la suspension de la pratique concernée ainsi qu'une injonction aux parties de revenir à l'état antérieur. Elles doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence.
La décision du conseil peut faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation par les parties en cause et le commissaire du gouvernement devant la cour d'appel de Paris au maximum dix jours après sa notification. La cour statue dans le mois du recours.
Le recours n'est pas suspensif. Toutefois, le président de la cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution des mesures conservatoires, si celles-ci sont susceptibles d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu, postérieurement à leur notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité.
Les mesures conservatoires sont publiées au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Art. 13. Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières.
Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions.
Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction.
Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs.
Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication de sa décision dans les journaux ou publications qu'il désigne, l'affichage dans les lieux qu'il indique et l'insertion de sa décision dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou de directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne intéressée.

Art. 14. Si les mesures et injonctions prévues aux articles 12 et 13 ne sont pas respectées, le conseil peut prononcer une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l'article 13.

Art. 15. Les décisions du conseil de la concurrence mentionnées au présent titre sont notifiées aux parties en cause et au ministre chargé de l'économie, qui peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours en annulation ou en réformation devant la cour d'appel de Paris.
Les décisions sont publiées au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Le ministre chargé de l'économie veille à leur exécution.
Le recours n'est pas suspensif. Toutefois, le premier président de la cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité.
Le pourvoi en cassation, formé le cas échéant contre l'arrêt de la cour, est exercé dans un délai d'un mois suivant sa notification.

Art. 16. Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine.

Art. 17. Sera punie d'un emprisonnement de quatre ans et d'une amende de 500 000 F ou de l'une de ces deux peines seulement toute personne physique qui, frauduleusement, aura pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en oeuvre de pratiques visées aux articles 7 et 8.
Le tribunal peut ordonner que sa décision soit publiée intégralement ou par extraits dans les journaux qu'il désigne, aux frais du condamné.

Art. 18. L'instruction et la procédure devant le Conseil de la concurrence sont pleinement contradictoires.

Art. 19. Le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence ou ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants.

Art. 20. Le Conseil de la concurrence peut décider après que l'auteur de la saisine et le commissaire du Gouvernement ont été mis à même de consulter le dossier et de faire valoir leurs observations, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.

Art. 21. Sans préjudice des mesures prévues à l'article 12, le conseil notifie les griefs aux intéressés ainsi qu'au commissaire du Gouvernement, qui peuvent consulter le dossier et présenter leurs observations dans un délai de deux mois.
Le rapport est ensuite notifié aux parties, au commissaire du Gouvernement et aux ministres intéressés. Il est accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur et des observations faites, le cas échéant, par les intéressés.
Les parties ont un délai de deux mois pour présenter un mémoire en réponse qui peut être consulté dans les quinze jours qui précédent la séance par les personnes visées à l'alinéa précédent.

Art. 22. Le président du Conseil de la concurrence peut, après notification des griefs aux parties intéressées, décider que l'affaire sera portée devant la commission permanente, sans établissement préalable d'un rapport. Cette décision est notifiée aux parties.
La commission permanente peut prononcer les mesures prévues à l'article 13. Toutefois, la sanction pécuniaire prononcée ne peut excéder 500 000 F pour chacun des auteurs de pratiques prohibées.

Art. 23. Le président du Conseil de la concurrence peut refuser la communication de pièces mettant en jeu le secret des affaires, sauf dans les cas où la communication ou la communication de ces documents est nécessaire à la procédure ou à l'exercice des droits des parties. Les pièces considérées sont retirées du dossier.

Art. 24. Sera punie des peines prévues à l'article 378 [ancien code - Art. 226-13 du Nouveau code pénal] du code pénal la divulgation par l'une des parties des informations concernant une autre partie ou un tiers et dont elle n'aura pu avoir connaissance qu'à la suite des communications ou consultations auxquelles il aura été procédé.

Art. 25. Les séances du Conseil de la concurrence ne sont pas publiques. Seules les parties et le commissaire du Gouvernement peuvent y assister. Les parties peuvent demander à être entendues par le conseil et se faire représenter ou assister.
Le Conseil de la concurrence peut entendre toute personne dont l'audition lui parait susceptible de contribuer à son information.
Le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement peuvent présenter des observations.
Le rapporteur général et le rapporteur assistent au délibéré, sans voix délibérative.

Art. 26. Les juridictions d'instruction et de jugement peuvent communiquer au Conseil de la concurrence, sur sa demande, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec des faits dont le conseil est saisi.
Le conseil peut être consulté par les juridictions sur les pratiques anticoncurrentielles définies aux articles 7, 8 et 10-1 et relevées dans les affaires dont elles sont saisies. Il ne peut donner un avis qu'après une procédure contradictoire. Toutefois, s'il dispose d'informations déjà recueillies au cours d'une procédure antérieure, il peut émettre son avis sans avoir à mettre en oeuvre la procédure prévue au présent texte.
Le cours de la prescription est suspendu, le cas échéant, par la consultation du conseil.
L'avis du conseil peut être publié après le non-lieu ou le jugement.

Art. 27. Le conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction.

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