FRJP0106
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Vente à la boule de neige

Chaîne d'argent.

« Attendu que Serge M. a participé début 1988 à la création de l'association A. ; que cette dernière a diffusé dans le public un document commençant par « Cher(e) correspondant(e) et ami(e), aimeriez-vous gagner beaucoup d'argent... ? » et comprenant les extraits suivants :
« ce que je vous propose est dénué de tous risques et absolument légal , il s'agit de gagner tout simplement un minimum de 600 000 F. Oui, vous avez bien lu... (etc.). »
« En devenant membre d'une association loi 1901, l'A., qui grâce à une large mobilisation de capitaux basée sur le principe de la multiplication permet aux adhérents d'obtenir des profits individuels ou collectifs, progressifs, jusqu'à 600 000 F... Pour cela, il suffit d'investir la modeste somme de 250F remboursable à tout moment, et que de toute manière vous toucherez dès le premier gain (recouvrement voir document ci-joint) ainsi que 80 F de cotisation annuelle ».
« Vous vous engagez à trouver deux filleuls qui recruteront à leur tour deux sous-filleuls et ainsi de suite... ».
« Dès réception de votre bulletin d'adhésion, le siège de l'A. vous enverra par retour, votre carte d'adhérent avec votre numéro d'ordre déterminé par l'ordinateur, qui gère l'organigramme central et à l'intérieur de ce système votre situation personnelle (ainsi pas d'erreur ni de triche) ».
Attendu que le document, complété par un schéma au verso, comportait un bulletin d'adhésion avec la formule « Oui, je désire adhérer à l'A., ci joint mon règlement par chèque à l'ordre de l'A. soit 330 F (250 + 80 F de cotisation) étant entendu que je puis récupérer à tout moment le montant de ma participation » ;
Attendu que cette chaîne d'argent, à structure pyramidale classique, était perfectionnée par un système de capitalisation des versements : les 250 F de chaque adhérent étaient placés en compte sur livret ou en SICAV pour produire des intérêts susceptibles ensuite d'autofinancer les gains ou les remboursements ;
Attendu que le prévenu plaide la bonne foi , en défendant la viabilité du système en arguant de la transparence de l'association ;
Mais attendu que la chaîne d'argent instaurée ne prenait aucunement en compte le phénomène de saturation et ses catastrophiques conséquences financières ; qu'en effet, l'arrêt volontaire de l'opération en juillet 1989 a permis de dénombrer 1400 adhérents environ ; que le capital de 340 750F recueilli était déjà amputé par les reversements de gains, pour un montant de 198 250 F ; qu'à partir de cet instant, le reliquat (142 500 F) ne permettait déjà plus de rembourser les 250 F des derniers adhérents au bas de la pyramide (le 10e rang comprenait déjà 1 024 personnes) ; que pour espérer obtenir quelques gains ou même rentrer dans leurs fonds, ces derniers auraient du « parrainer » un nombre exponentiellement croissant de « filleuls » ; qu'en tout état de cause, cette fuite en avant n'aurait jamais permis de rembourser les derniers rangs de la pyramide (qui au 26e rang, par exemple, représentait la bagatelle de 67 millions de personnes environ ; pour mémoire le 30ème rang dépassait le milliard d'individus) ;
Attendu qu'en 1989, le placement des sommes, même à 10 % nets (hypothèse favorable au prévenu) n'aurait dégagé un an après que la modeste somme de 14 250 F permettant le seul remboursement de... 57 adhérents (sans même parler de gains) ;
Attendu qu'en se targuant de sa qualité d'informaticien ... en créant une association loi 1901 (à but non lucratif !), en faisant référence à la toute puissance d'un ordinateur infaillible, et en employant un jargon économique (grâce à une large mobilisation de capitaux basés sur le principe de la multiplication) et en exposant les principes d'une chaîne d'argent tout en occultant ses risques et ses défaillances, Serge M. a employé des manoeuvres frauduleuses pour faire naître chez les adhérents qui remettaient une somme de 250 F l'espérance d'un succès ou d'un événement chimérique, en l'espèce, la perception d'un gain supérieur à la mise de départ et pouvant aller jusqu'à 600 000 F.
Attendu que la formation professionnelle et le niveau intellectuel du prévenu ne laissent aucun doute sur sa mauvaise foi ;
Attendu que l'infraction d'escroquerie est constituée... ».

[TGI Angers 29 mai 1991]

Jugement confirmé par un arrêt de la Cour d'appel d'Angers en date du 28 novembre 1991. Voir Code de la consommation - Art. L. 122-6 et L. 122-7

Vente, prestation "à la boule de neige" Chaîne d'argent
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