FRCL0042
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CCA - Vente de véhicules automobiles (R. 85-02)(1)

La commission des clauses abusives

Considérant que les vendeurs professionnels de véhicules automobiles doivent informer les consommateurs des conditions de vente applicables ; que ces derniers ne peuvent être réputés valablement informés que si ces informations sont inscrites de façon lisible afin de pouvoir être lues dans des conditions normales, et si elles sont rédigées en termes compréhensibles pour le consommateur ; qu'en particulier les dispositions écrites en caractères trop petits ou avec une encre ne tranchant pas avec la couleur du papier, ou celles mentionnées perpendiculairement aux autres dispositions du bon de commande ne sont pas suffisamment lisibles ;
Considérant que sur de nombreux bons de commande la signature de l'acheteur n'est apposée que sur le recto du document contractuel alors que les conditions générales de vente sont imprimées au verso et qu'ainsi l'acheteur peut signer le bon de commande, et verser éventuellement un acompte sur le prix, avant d'avoir matériellement pris connaissance des conditions générales ; que ce risque est aggravé lorsque dans certains bons de commande la signature est apposée sur un document ne comportant rien au verso, mais qu'elle apparaît par décalque sur un autre document qui comporte lui au verso les conditions générales de la vente, mais ne sera adressé qu'après l'apposition de signature du directeur de l'établissement vendeur ou livreur rendant le contrat définitif ; que cette pratique permet évidemment au vendeur de faire signer un bon de commande sans faire connaître les conditions générales de la vente ; que même si, en droit, de telles conditions générales sont en principe inopposables à l'acheteur, cette présentation doit être en tout cas déclarée abusive afin d'éviter que le consommateur ne se croit lié par une signature obtenue dans de telles circonstances ; qu'est également abusive la clause selon laquelle dans de telles circonstances le consommateur reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales figurant au verso du document qu'il signe ;
Considérant que les vendeurs professionnels doivent exactement informer les consommateurs acheteurs de véhicules de tourisme des caractéristiques essentielles de l'objet du contrat ; qu'il n'en est pas ainsi lorsque le document contractuel se réfère à des notions ambiguës et en tout cas incompréhensibles pour le consommateur ; qu'en particulier la notion d'année-modèle réglementée aujourd'hui par un arrêté du 2 mai 1979 est insuffisante et qu'elle devrait être complétée par l'indication de l'année de fabrication ;
Considérant que sont abusives les clauses stipulant que la publicité sous quelque forme que ce soit, prospectus, catalogues, exposition des véhicules, ne peut être considérée comme une offre ferme du constructeur et ne constitue pas de ce fait un élément du contrat ; qu'en effet les documents publicitaires et les véhicules exposés expriment les informations les plus précises et en tout cas les plus intelligibles ; qu'ils sont évidemment destinés à déterminer l'achat du consommateur ; qu'il y a donc une contradiction certaine entre, d'une part, le contenu et le but de ces informations publicitaires et, d'autre part, le refus de leur reconnaître une valeur contractuelle, alors que c'est pratiquement à travers ces informations que le consommateur se représente l'objet du contrat et que celui-ci lui est présenté par le vendeur, définissant ainsi cet objet selon la commune intention des parties ; que même si, en droit, ces documents publicitaires sont opposables au vendeur dès l'instant qu'ils sont suffisamment précis et détaillés, la clause leur refusant tout caractère contractuel est abusive ; que le caractère abusif de cette clause résulte également de ce que la modification unilatérale des caractéristiques des véhicules automobiles étant réglementée, les documents publicitaires constituent normalement la définition la plus claire de l'objet initial du contrat ; qu'il est de ce chef encore indispensable de leur reconnaître la valeur de documents contractuels ;
Considérant qu'en application de l'article 3, alinéa 1er, du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 est interdite la clause ayant pour objet ou pour effet de réserver au vendeur professionnel le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du véhicule à livrer ; que cependant le second alinéa du même texte autorise le professionnel à stipuler qu'il pourra apporter des modifications nées de l'évolution technique, mais subordonne cette faculté à la triple condition qu'il n'en résulte ni augmentation de prix ni altération de qualité et que la clause réserve au consommateur la possibilité de mentionner les caractéristiques auxquelles il subordonne son engagement ; que de nombreux modèles de contrats ne reproduisent que partiellement les dispositions du second alinéa de l'article 3 du décret susvisé et, en particulier, ne mentionnent pas la faculté corrélative et indivisible du consommateur de préciser les caractéristiques auxquelles il subordonne son engagement, alors que la lettre du décret susvisé impose cette mention et que son esprit implique même que l'attention du consommateur ait été attirée lors de la conclusion du contrat sur cette faculté, corollaire et limite de la possibilité donnée exceptionnellement au vendeur professionnel de modifier l'objet d'un contrat définitivement conclu ; que la seule mention du droit exceptionnel accordé aux professionnels sans indication de toutes ses limites, et, spécialement de celles qui supposent l'exercice lors de la conclusion du contrat de la faculté donnée au consommateur, est abusive ;
Considérant que le vendeur se réserve, après la signature de l'acheteur, la possibilité de notifier sa non-acceptation ou de subordonner son engagement à la signature du directeur de l'établissement pour que la vente soit définitive ;
Considérant qu'en droit les parties peuvent retarder la conclusion définitive du contrat ou subordonner sa conclusion à la signature d'une personne accréditée, distincte du préposé ayant négocié celui-ci ; que, dans cette hypothèse, aucune des parties n'est évidemment liée par la convention avant sa conclusion définitive ; que cette constatation est cependant insuffisante dès lors que par l'apposition de la signature du consommateur et de celle du préposé non accrédité du vendeur, une apparence est délibérément créée afin de faire croire au consommateur qu'il est, quant à lui, définitivement engagé, ce qui renforce, en fait, le début d'exécution du contrat constitué par le versement d'un acompte c'est-à-dire d'un paiement partiel du prix ; que le versement d'un acompte avant la conclusion définitive du contrat, ou la signature de l'acheteur sans que son attention ait été expressément attirée sur le fait que cette signature ne suffît pas à l'engager et qu'il peut mettre obstacle à la conclusion définitive du contrat en notifiant au vendeur son désaccord, à condition de le faire avant d'avoir reçu le contrat signé de ce dernier est abusif ;
Considérant cependant que certains vendeurs professionnels analysent la signature du bon de commande comme une simple offre d'achat répondant à leur invitation à entrer en pourparlers, qu'ils seraient ainsi libres d'accepter ou de refuser ; qu'une telle analyse ne serait toutefois admissible qu'à la condition expresse que l'ensemble des documents présentés aux consommateurs et le comportement du vendeur distinguent très clairement l'invitation à entrer en pourparlers et l'offre d'achat d'une offre au public, dont on sait qu'elle lie son auteur « à l'égard du premier acceptant dans les mêmes conditions que l'offre faite à personne déterminée » (cass. civ. 3°, 28 novembre 1968, bull. civil III, n° 507, p. 389), suivie d'une acceptation matérialisée par le bon de commande ; que les modèles de contrat actuellement utilisés par ces vendeurs professionnels ne répondent pas à ces conditions puisqu'ils qualifient le bon de commande de « contrat », prévoient même le versement d'un acompte dès la commande, et stipulent que le contrat sera définitif dès la signature du directeur de l'établissement, alors que, même si la rétractation d'une offre avant l'écoulement d'un délai raisonnable, généralement très bref, peut obliger son auteur à réparer le dommage qui en résulte, cette rétractation reste cependant toujours possible tant que l'auteur de l'offre n'a pas reçu l'acceptation du vendeur, ce que les modèles de contrats se gardent bien de préciser ; qu'ainsi ces documents ont pour objet ou pour effet de faire croire au signataire du bon de commande qu'il est irrémédiablement lié par le contrat de vente tandis que l'engagement du vendeur n'est qu'éventuel, ce qui est abusif au regard de la recommandation citée ci-après et pour les motifs précédemment énoncés ;
Considérant que selon la recommandation de la commission des clauses abusives publiée au Bulletin officiel des services des prix du 8 août 1980 le contrat est valablement conclu et engage les deux parties lorsqu'elles ont donné leur accord ; que le professionnel ne peut s'arroger un délai de réflexion que si, en contrepartie, est laissé au consommateur le même délai pendant lequel il pourra se rétracter ; que cette recommandation déclare de ce fait abusive toute clause qui a pour objet ou pour effet de prévoir lors de la signature du contrat un engagement immédiat et définitif du consommateur et un engagement éventuel du professionnel ;
Considérant que plusieurs modèles de contrat stipulent que le vendeur n'est pas tenu et décline toute responsabilité pour tous engagements intervenus entre son personnel et l'acheteur qui ne seraient pas conformes aux conditions générales de vente ; qu'une telle clause est abusive dès l'instant que le préposé concerné était habilité à conclure le contrat par représentation du vendeur ; qu'elle vise à faire prévaloir sur les dispositions particulières du contrat qui expriment de la façon la plus certaine la commune intention des parties, et qui ont été souvent déterminantes pour l'acheteur et reconnues comme telles par le représentant du vendeur, des conditions générales qui n'ont pas été négociées, mais rédigées unilatéralement par le professionnel ; que de ce fait cette clause est encore abusive alors même que le préposé n'aurait eu que le pouvoir de négocier et non de conclure le contrat définitif, dès l'instant qu'elle a pour objet ou pour effet de lier le consommateur sur les termes d'un contrat qui n'ont pas reçu effectivement son accord ;
Considérant, quant au prix du véhicule vendu, qu'il résulte des articles 1591 et 1129 du code civil et d'une jurisprudence constante qu'il doit être déterminé ou déterminable sans nouvelle intervention de la volonté arbitraire du vendeur s'exerçant directement sur le prix ou sur les éléments destinés à le déterminer ; que si le prix ne répond pas à cette exigence le contrat est nul ; que cependant l'annulation de la vente n'est pas le moyen le plus efficace pour protéger le consommateur ; qu'à défaut de règle autorisant le seul consommateur à demander l'annulation de la seule clause permettant au vendeur professionnel de faire varier de façon arbitraire le prix convenu, et même si une telle règle devait intervenir, cette clause doit être considérée comme abusivement imposée au consommateur ;
Considérant cependant que certains importateurs stipulent que le prix du véhicule sera celui du tarif en vigueur au jour de la livraison et non celui qui figure sur le bon de commande matérialisant les termes du contrat, tout en précisant que toute hausse éventuelle du prix indiqué ne pourra en aucune façon résulter d'une décision unilatérale de leur part, mais ne sera que la conséquence de la variation du prix de base qui leur serait imposé par le constructeur étranger ; que la Cour de cassation (cass. civ. 1er, 20 mai 1981, J.C.P. II.19840) a jugé que la mention d'un prix indicatif et la référence au prix de facturation en vigueur au jour de la livraison figurant sur un imprimé du fabricant ne permettait pas de considérer le prix de vente comme déterminé ni déterminable indépendamment de la volonté des parties et qu'ainsi la vente ne pouvait être conclue qu'au jour de la livraison et à la condition que l'acheteur accepte de payer le prix demandé ; que cependant un autre arrêt de la première chambre civile du 8 novembre 1983 (J.C.P. 1984, IV, p. 24) a jugé qu'était déterminable indépendamment de la volonté de l'établissement vendeur le prix qui lui était imposé par le fabricant étranger à travers sa filiale française, dont l'établissement vendeur était le concessionnaire ; qu'il convient d'observer toutefois que le fabricant, vendeur initial, à l'encontre duquel une jurisprudence constante reconnaît à l'acheteur final une action directe, nécessairement de nature contractuelle, tant en garantie des vices cachés qu'en responsabilité contractuelle, n'est pas un véritable tiers, et ne peut en tous cas remplir la fonction d'arbitre au sens de l'article 1592, puisque son intérêt est commun à celui de l'importateur ; qu'une telle clause à supposer même qu'elle soit licite, doit donc être considérée comme abusive dans la mesure où elle permet à un constructeur de fixer arbitrairement le prix des véhicules vendus par l'intermédiaire de son réseau de distribution national ou international ;
Considérant qu'une telle clause reste abusive alors même que le vendeur s'engage à notifier à l'acheteur le nouveau prix en lui permettant d'annuler purement et simplement sa commande dès l'instant qu'elle stipule qu'à défaut de réponse dans un délai de quinze jours l'acheteur sera réputé avoir accepté le nouveau prix ; que le silence d'une partie ne peut en effet valoir acceptation d'une modification essentielle du contrat et que la stipulation contraire ne peut résulter que d'un abus de puissance économique ;
Considérant qu'un arrêté n° 78-75/P du 30 juin 1978 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur pour les véhicules automobiles de tourisme impose par un article 5 de mentionner sur les bons de commande ou autres documents de vente la date limite de garantie prévue à l'article 3 du même texte ; que selon cet article la publicité est considérée comme satisfaisant aux dispositions de l'article 4 de l'arrêté n° 77-105/P si le prix visé à l'article 2 de cet arrêté, et notamment celui qui figure sur le bon de commande, est garanti hors taxe au minimum pour toute livraison effectuée ou stipulée dans les trois mois à compter de la commande ; que la combinaison des articles 3, 4 et 5 de cet arrêté précise les limites, les exceptions et la sanction de cette garantie du prix ayant fait l'objet de la publicité du vendeur, notamment sur le bon de commande ; que l'article 5 de cet arrêté impose, outre la date limite de la garantie de prix, diverses mentions informatives précisant les conditions dans lesquelles le client peut annuler sa commande et obtenir la restitution des acomptes versés, majorés des intérêts calculés au taux légal à partir du premier jour suivant l'expiration du délai de livraison ;
Considérant qu'à partir de ce texte les divers modèles de contrat de vente de véhicules automobiles de tourisme font apparaître deux types de clauses abusives qui, le plus souvent, se cumulent ;
Considérant tout d'abord que plusieurs modèles de contrat tout en reproduisant les mentions imposées par l'article 5 de l'arrêté susvisé, les complètent, d'une part, au moyen de dispositions empruntées à l'article 3 de ce même arrêté qui leur sont favorables, ce qui en soi serait légitime, d'autre part, au moyen d'additions qui ne résultent pas de l'arrêté susvisé et qui élargissent abusivement les exceptions admises par ce texte à la garantie de ce prix ; qu'en particulier, alors que les articles 3 et 5 de cet arrêté visent les modifications de prix rendues nécessaires « par des modifications techniques résultant de l'application de réglementation imposée par les pouvoirs publics », certains modèles de contrat ajoutent aux modifications techniques visées par l'arrêté les modifications « fiscales imposées par les pouvoirs publics » ; que certains modèles de contrat ajoutent également à la force majeure qui, selon l'article 3 de l'arrêté, fait obstacle à la prolongation du prix garanti au cas de retard dans la livraison non imputable à l'acheteur, les cas d'incendie, inondation, conflit collectif du travail, complétés par la mention « etc. », chez le vendeur, le constructeur, ses fournisseurs ou ses sous-traitants ; qu'une telle énumération ne se borne pas à concrétiser la notion juridique de force majeure, mais ajoute à celle-ci des événements qui peuvent souvent, en fait, ne pas présenter pour le vendeur professionnel les caractères de la force majeure seule visée par l'article 3 de l'arrêté susvisé ; que ces additions qui, par leur combinaison, dénaturent les dispositions de l'arrêté du 30 juin 1978 , outre leur caractère illicite, sont en tous cas abusives ;
Considérant, en second lieu, que la reproduction littérale des mentions informatives imposées par l'article 5 de l'arrêté du 30 juin 1978 , qui figure sur de nombreux bons de commande, doit être considérée comme abusive ; que s'il peut à première vue sembler paradoxal de tenir pour abusive l'application pure et simple d'un texte réglementaire impératif, dont la validité a été constatée par un arrêt du Conseil d'État du 3 octobre 1980, qui l'a déclaré, compatible avec les dispositions de l'article 1591 du code civil, l'abus vient ici de l'utilisation qui est faite de ce texte dont la portée juridique est nécessairement limitée, tant par sa place dans la hiérarchie des sources du droit que par son objet, la publicité des prix, afin de faire naître l'apparence trompeuse que les règles du droit commun seraient inapplicables en ce domaine de la vente des véhicules automobiles de tourisme ;
Considérant que l'arrêté n° 78-75/P du 30 juin 1978 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur pour les véhicules automobiles de tourisme n'a pour objet que de préciser, dans ce domaine particulier, les conditions de la « publicité » des prix définies de façon plus générale par l'arrêté n° 77-105/P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur et sanctionnées sur le fondement des ordonnances n° 45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix, et notamment son article 33, et n° 45-1484 du 30 juin 1945 relative à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ; que de même en ce qui concerne les qualités des produits eux-mêmes le respect des réglementations particulières, qui ne constituent qu'un minimum, n'est par une cause exonératoire de la responsabilité de droit commun des fabricants et vendeurs professionnels, le respect des dispositions réglementaires en matière de publicité des prix, même lorsque celles-ci visent expressément les bons de commande ou autres documents de vente, ne peut avoir pour objet ou pour effet d'écarter l'application des règles de droit commun concernant la formation du contrat de vente et la sanction de son inexécution ; qu'un arrêté ayant pour seul objet d'interdire, par des sanctions pénales, certaines pratiques en matière de publicité des prix dans les ventes de véhicules automobiles aux consommateurs, même s'il mentionne et oblige à mentionner sur les bons de commande des droits particuliers expressément reconnus aux consommateurs en cas de non-respect de la garantie des prix publiés par le vendeur, ne peut avoir pour effet d'enlever aux acheteurs les droits qu'ils tiennent des dispositions du code civil énonçant des règles fondamentales en matière de contrat, et notamment des articles 1108 , 1129 , 1134 , 1591 et 1184 de ce code ; que c'est la raison pour laquelle le Conseil d'État a rejeté le recours en annulation formé par l'Afoc contre l'arrêté du 30 juin 1978 ;

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